Welcome to the jungle of Bengal

Publié le par charles

 

Le temps s'écoule à Sri Mayapur, et un rythme s'installe. Après les journées de cours, je passe au bureau de SMVS mais Bishnu, mon contact, étant toujours alité, je ne peux pas travailler sur grand chose. Je passe donc mon temps sur internet dans les cybercafés, à prendre des photos et à lire. Le soir je vais dans une gargote, située dans ISKCON, qui propose une cuisine variée et délicieuse. On s'occupe comme on peut.


 

Les mabouls

 

Mon association m'a logé au sein du centre ISKCON de Sri Mayapur car c'est là que se situent tous les hôtels corrects du village. Ils pensaient donc bien faire, simplement je n'étais pas du tout au courant de l'existence d'ISKCON et du fait que je me retrouverais immergé dans cet environnement pour mes soirées et mes nuits. Mais l'influence de l'organisation s'étend au-delà des murs du grand centre, puisque la ville vit forcément au rythme de l'afflux de pèlerins de tous les coins du monde.20120106 ISKCON

Je me sens comme un étranger, pas à ma place dans le centre, que ce soit au milieu des pèlerins Indiens ou de ces dévots de tous horizons qui ne donnent pas du tout envie de communiquer avec eux. J'ai vraiment l'impression d'être tombé en plein milieu du sketch des Inconnus sur les sectes ! En mon for intérieur, je les appelle les mabouls. Oui, car je discute avec moi-même, ma conversation est d'ailleurs excellente.

Ils passent leurs journées à déambuler dans les allées, se rendre dans les temples, aller aux cours « devenir un bon dévot en 5 leçons », et parfois à chanter. Le tout sur fond de musique qui si ça continue va finir par me rendre fou, je réagis donc en ayant toujours mon ipod sur moi. L'ambiance est donc très particulière pour moi, car s'il y a une grosse animation et notamment le dimanche, je n'y prends pas part du tout.

Je continue à être réveillé la nuit par les sirènes d'alarme, et une fois par un type qui fait les cent pas dans le couloir à 4h du matin en récitant son mantra.

Je me retrouve par ailleurs expulsé de mon premier hôtel après une semaine. Manu, le gérant, me le fait comprendre tant bien que mal avec un regard fuyant. Je distingue les mots « life member », ce qui signifie qu'un membre à vie d'ISKCON va débarquer et qu'il faut faire place nette. Je trouve alors un autre hôtel, mais pour peu de nuits car ils seront bientôt complets, en raison d’un grand festival qui va avoir lieu en février. J’ai hâte. Ils m'offrent à cette occasion un livre, intitulé les enseignements de Lord Chaitanya, philosophe du 15eme siècle qui redynamisa le culte Krishnaite. Ça tombe bien, j'étais à court de papier toilette.


 

Élèves dissipés

 

A l'école, les admissions sont bientôt terminées mais les classes 5 à 7 sont toujours mélangées, vu qu'ils sont 20 en tout pour ces trois classes. C'est étonnant car en dernière année de maternelle ils sont 83 ! Je me demande ce qui explique ce déséquilibre et conclus que les parents font un sacrifice financier important en envoyant leurs enfants grandissants dans des écoles plus « établies », publiques ou privées.

20120108 Sri Mayapur Ecole

Animer trois groupes de niveaux dans la même salle, c'est épuisant. Ils me sollicitent en permanence, tout comme ceux de ma classe 4. Je commence à les connaître et il est amusant de constater que comme dans toutes les classes du monde, on trouve les fortes têtes, les charmeurs, les p'tits gros, les fayots, les bagarreurs, les bavards, les coquettes, etc...Je n'hésite pas à en expulser provisoirement quelques-uns, mais tiens à rester seul à donner les cours et non pas en binôme avec un autre enseignant, ce qui dénaturerait l'exercice à mon sens.

Après m'être rendu compte qu'ils n'entendent pas grand chose à leurs manuels d'anglais, je tache donc d'adapter les cours. Nous faisons des exercices de vocabulaire à l'aide d'un livre de niveau inférieur rempli de dessins basiques. A comme apple, ant, B comme bus, ball, etc...X comme Xerox ??? Ça c'est du marketing !

Je déniche également au fond d'une classe un vieux globe terrestre et entreprends de leur montrer où est la France, ce dont ils n'ont aucune idée. En réalité à part l'Inde ils ne situent aucun pays.

En revanche, ils sont assez curieux et me posent tant bien que mal des questions sur mes amis, ma famille, le foot. Un jour ils décident de me faire signer des autographes. Je m'exécute, profitant de cette occasion pour gonfler mon ego.

L'après-midi place au sport donc. Ils font des progrès en foot, et les filles qui ne souhaitent pas y jouer pratiquent d'autres activités à coté. Ils ont l'air de beaucoup s'amuser et quand je débarque avec le ballon et qu'ils me pressent tous de « football, football », que je réponds, « yes, match », il faut voir l'enthousiasme et les hurlements de joie qui en découlent !

20120254 Sri Mayapur ecole


 

La jungle urbaine de Krishnagar

 

Je décide d'aller pour le week-end à Krishnagar, la grosse ville la plus proche, afin d'essayer de me divertir un peu. Krishnagar est la capitale du district. L'Inde est divisée en états et je suis au Bengale Occidental, et eux-mêmes sont subdivisés en districts. C'est donc l'équivalent d'un département en France, en plus grand.

A Krishnagar, deux cent mille habitants, je m'attends à une grosse ambiance. Que nenni. Il n'y a rien à faire la-bas. Je trouve néanmoins à mon hôtel du poulet (pas terrible) et une bière. Mais une bière de contrebande, car pour des raisons qui me restent obscures, l'alcool est ici aussi prohibé...Pas de bars non plus, je me rabats donc sur une télé dans ma chambre. Télé que je n'ai pas eu l'occasion de regarder depuis plus de deux mois. L'occasion d'être saisi par le contraste entre les Indiens beaux, riches, parlant un anglais parfait (Bollywood style) qui trustent l'écran, et la vraie population.

Je vais au chevet de Bishnu qui habite là-bas, qui est vraiment désolé de ne pouvoir être présent pendant la durée de ma mission. Je lui dis de ne pas s'en faire, que tout se passe très bien et qu'Indranil s'occupe à merveille de moi. A ce moment précis je suis horriblement hypocrite, mais je ne veux pas peiner cet homme malade qui me fait par ailleurs une excellente impression, lors de la discussion d'une heure que nous avons, et ce malgré sa grande fatigue.

Indranil, son fils, vit dans un autre fuseau horaire. Celui des flemmards pas fiables à mon avis. Avec lui rien n’est clair est précis, tout est compliqué et fastidieux. Il me fatigue et je m’amuse à l’appeler Ilindra ou Inadril. Pas encore Rinadvil mais ça pourrait venir.

Nous partons néanmoins à la recherche de magasins proposant des articles de sport et des fournitures scolaires, car j'ai commencé à récolter des dons pour l'école auprès de mes proches, qui sont enclins à aider dans la mesure où ils savent exactement où ira l'argent collecté. Nous sommes un jour de fête religieuse et les magasins sont fermés pour la plupart, sauf un magasin de sport dans lequel j'entreprends une razzia. Suite à cela, je décide de partir seul pour arpenter la ville. Je dois leur paraître plus qu'incongru dans le paysage car les autochtones me dévisagent partout où je passe. Là aussi l'anglais n'est pas vraiment pratiqué, et les touristes occidentaux ne doivent jamais mettre les pieds dans cette ville (ils ont bien raison). La ville ne dégage rien de particulier, elle est sale, odorante et bruyante. Un grand marché met un peu d'animation mais ca ne va guère plus loin. Ce qui me choque ce n’est pas tant d'être observe, mais c’est surtout que c’est fait de façon peu discrète et surtout peu amène. La joie de vivre apparente que j’avais trouvée au Népal et au Tibet ne se retrouve pas du tout ici. Pourtant les niveaux de vie sont équivalents entre ces pays voire supérieur pour l’Inde. Mais les sourires sont hélas trop rares...

Je retourne donc, dépité, à mon hôtel pour zapper sur le téléviseur, à la recherche de films en anglais et de programmes de sport. La nuit se résumera ensuite à une bataille rangée contre les cafards, moustiques et autres IVNI (insectes volants non identifies). J'ai gagné.

Le lendemain, avisant une publicité dans la rue pour un grand mall (centre commercial), je décide d’y aller, pensant pouvoir y trouver des fournitures pour l’école. Je peine à récolter des informations sur ce mall, et on doit faire appel au notable du coin qui bredouille un peu d’anglais pour m’aider. Il explique à un rickshaw la destination et me voilà parti pour une demi-heure de balade, au cours de laquelle je passe, assez étonné, devant une église chrétienne et un couvent. Arrivé à destination, la déception est immense car en fait de mall, il y en aura bien un mais d'ici quelques mois car il est tout simplement en construction ! La publicité qui m’avait attiré dans la rue annonçait donc ce projet, mais les habitants interrogés n’avaient aucune information sur le sujet...

 

Le week-end que j'espérais divertissant après deux semaines à Sri Mayapur est donc décevant, hormis le fait que j’ai pu commencer à acheter du matériel pour l'école, et que j’ai eu droit à mon premier seau d’eau chaude depuis bientôt trois semaines.


20120214 Sri Mayapur village Ma chambre en fevrier

Je suis presque content de retrouver le centre ISKCON, ce qui confirme l’adage qui dit que tout est relatif en ce bas-monde. Je vais dans un autre hôtel pour quelques nuits, après quoi je me retrouve don  c à la rue. Le rythme partagé et lancinant de Sri Mayapur reprend. Lorsque je me retrouve sans toit, Pradyut le project officer m’aide à trouver une chambre en-dehors du centre ISKCON, dans une sorte de pension de famille cr adingue. Je n’ai pas trop le choix et donc je prends la chambre. Celle-ci n’est vraiment pas terrible, le lit est fait d’une planche de bois et ne comporte ni sommier ni matelas, et nous sommes près du Gange, ce qui fait que je  suis envahi pa r les moustiques tous les soirs. Le ménage ayant rarement été fait, je tue lors de ma première nuit cinq araignées dont une énorme et velue et quelques cafards qui apparaissent dans la douche...

Je ne suis pas particulièrement attaché au confort, mais quand même !

 

20120201 Araignee dans ma chambre


Publié dans Récits

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J
Bêrk bêrk bêrk... Charmantes bestioles...<br /> Je comprends parfaitement ton besoin de parler tout seul, mais Albane a raison, attention à ne pas te faire interner ^^ Bon courage pour ta quête de logement !! Je t'envoie Game of Thrones par<br /> mail, ça va t'occuper ! Bisous !
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O
e...comme eBay ! même là-bas ils connaissent peut être !<br /> ton récit me rassure sur ta lucidité mystique !
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C
@ Albane : Ben je parle seul faute d'interlocuteurs !<br /> @ Didier : Je me renseigne depuis qq mois, je lis, etc. !<br /> @ M-C : J'ai juste de tout petits films, car manque de place pour stocker. Mais j'ai pas mal de photos.
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M
Hello mon chat , Sympa de nous faire partager ton quotidien assez différent du nôtre !!! pas top les bestioles ...<br /> fais tu quelques films ? ou seulement des photos ?<br /> trés interessant ton explication sur l'Hindouisme<br /> bisous<br /> Marie-Carole
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D
Encore super ! mais comment fais tu pour en savoir autant sur la religion ? Un vrai guide... Bravo
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